Autres travaux avec la lumière

LES CONTRE-LUMIERE : LA BOUCHE D'OMBRE

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A l'époque des projections, Gilles Richard utilisait celle des mots dans une approche particulière du langage : les mots n'étaient plus existants dans la linéarité habituelle de la phrase mais, en quelque sorte dans la spatialité des phonèmes isolés.

A partir de 1986, la série des Contre-Lumière comme "C.L. 320" ou "Couche" réduit et concentre encore les phonèmes en lettres ou en idéogrammes. Ceux-ci traités en volumes creux occupés par des sources de lumière blanche ou colorée, présentent au spectateur leur face opaque et se détachent en négatif sur le halo de la clarté diffusée.
Avec les Contre-Lumière, l'artiste met en évidence une certaine "oralité" de la sculpture, irradiant l'espace alentour ; cette voix du silence analogue à la vibration de l'eau autour du rocher, ici lumière autour de l'ombre. Le mot, la lettre, l'idéogramme échappant à la tyranie de la langue pour s'épanouir dans la dimension sculpturale de la parole, tout à la fois tramée de silence et de son, devenue interférence de radiations visibles, noires. Analogue à la lettre ornée sur la page du manuscrit médiéval, l'idéogramme d'ombre rentre en résonnance avec tout le volume qui l'accueille.

"Autour de l'édifice, dans l'édifice, il y a des endroits précis, des points mathématiques qui intègrent le tout et constituent des tribunes d'où le son de la voix réverbérait dans toutes les parties. Ce sont des endroits prédestinés pour la sculpture. Et cette sculpture ne serait nimétope, ni tympan, ni portail. Elle serait beaucoup plus subtile et précise. L'endroit serait un lieu qui serait comme le foyer d'une parabole ou d'une ellipse, comme le point d'intersection précis des divers plans qui forment l'architecture. De là sortiraient le mot, la voix. De tels endroits seraient des foyers de sculpture, comme ce sont des foyers pour l'accoustique. Prends place à cette tribune, sculpteur si ta voix vaut d'êtr entendue." (Le Corbusier cité par C. Giedon-Welcker, Contemporary Sculpture - New-York 1960 p.205).

D'autres recherches que Gilles Richard a moins développées sont les Ombres colorées, technique que le théâtre utilise à l'envi. Le point de départ en reste pour l'artiste, les volumes en contre-lumière. Un cadreur projetant du mur au sol un cercle ou un carré dessine du  mur au sol, l'ombre ou les ombres des volumes selon leur disposition. La lumière contenue dans les volumes les colorent. Marquée par la discrétion comme la gigantisme, l'oeuvre est à la fois présence concrète et présence fictive dans sa binarité, arrêtée par le mur qui piège l'ombre dans sa fuite en avant.

Extrait du catalogue "Du temps au temps - Gilles Richard"
Marie-France Vô-Cheylus